Brouillages du quotidien
La réalité en clichés
Depuis le XVIe siècle, les Cris de Paris et les petits métiers dont ils sont l'expression constituent un réservoir d'images convenues et rassurantes, propres à exprimer la permanence et l'enracinement social du peuple dans l'espace urbain. Ces stéréotypes contribuent à vider la réalité de toute force transgressive et présente du « petit peuple parisien » une version affadie et rassurante. Ils inspirent durablement la gravure ou la peinture avant de s'exprimer, selon
des formes naturellement réinterprétées, par la photographie relevant de l'humanisme poétique.
Les photographies réalisées à l'instigation des services de propagande de Vichy ou simplement marquées par les valeurs maréchalistes empruntent à ce répertoire convenu pour dire un Paris éternel que rien n'aurait affecté, Paris des humbles, ici figuré par des écoliers, éternels gavroches, sur les escaliers de Montmartre, des pêcheurs à la ligne
ou la clientèle habituelle des bistrots. Ces clichés figurent un peuple de petites gens et offrent de la ville une image débonnaire, où le temps ne passe pas. Ils diffèrent de ceux qui donnent à voir ces « touristes pas comme les autres » que sont les soldats d'occupation. Ils participent d'une neutralisation de l'histoire et, par la même, d'une négation de la dureté des temps ainsi que des résistances qu'elle suscite.