Manifester pour le pain
Les manifestations contre les pénuries, dites « de ménagères », mobilisent femmes et enfants, souvent en faible nombre. Les premières apparaissent durant l'hiver 1940-1941, en affectant presque exclusivement d'anciennes municipalités communistes de la Seine.
Ces manifestations, pour certaines indéniablement spontanées, semblent inscrites dans le droit fil des émotions populaires et des troubles de subsistance. Elles débutent souvent sur les marchés où l'absence d'un produit constitue l'élément déclencheur. Leur implantation dans d'anciens fiefs communistes oblige toutefois à réévaluer leur spontanéité. Le parti communiste mobilise précocement et durablement sur ce terrain revendicatif. Cette forme de mobilisation, qu'aucun autre mouvement de Résistance ne suscite ou n'encourage, prend appui sur un mécontentement social reconnu par les autorités elles-mêmes, exerce une influence évidente sur l'opinion et engage une partie de la population beaucoup plus délicate à réprimer que d'autres. Elle affirme publiquement l'existence d'un mécontentement capable de s'exprimer au grand jour.
Durant l'hiver 1941-1942, ces manifestations débordent les fiefs militants d'avant-guerre et contribuent à saper le consensus populaire souhaité par Vichy. Le gouvernement adopte des mesures de censure visant à les priver de toute publicité. Devenues des composantes à part entière de la Résistance organisée et de ses combats, elles élargissent ensuite leurs revendications (au rejet du STO par exemple), s'organisent parfois ouvertement à l'appel de comités de femmes dans la mouvance communiste, et pour certaines, s'inscrivent dans la préparation de la grève du 14 juillet 1944 et de la grève insurrectionnelle du mois d'août.